Ce projet d’habitat participatif a été développé sur la base d’un travail de coproduction architecturale mené avec le groupe d’auto-promoteurs. Différents scénarios de fonctionnement ont été produits pour servir de base à la négociation et à la réflexion collective, avec comme paramètres les manières de se positionner individuellement dans un schéma d’ensemble et les différentes façons d’envisager les qualités des parties communes. La définition de l’organisation d’ensemble a progressivement convergé vers le choix de faire un usage optimal du gabarit urbain. Si ce choix génère une silhouette bâtie singulière, il témoigne néanmoins de la modestie de la démarche : utiliser autant que possible ce que le tissu urbain offre comme potentiel d’habitabilité. Cette disposition assure la compatibilité de l’enveloppe et du programme (5 T4, une chambre d’amis et une salle communes) et façonne une architecture qui fait la part belle aux espaces partagés comme à la diversité des orientations des logements. Partant de la rue pour cheminer à travers le bâtiment côté jardin, la circulation verticale est ponctuée d’espaces inattendus, supports de vie collective et d’usage partagé, telle que la terrasse du R+2 qui assure le dialogue du projet avec son voisinage. Situé à la croisée des parcours, cet espace complémentaire au jardin offre un agrément tel qu’il permet de s’affranchir de la création de balcons individuels. L’usage optimal du volume constructible invite à repenser des espaces mansardés. L’introduction des biais et des facettes confère un cachet particulier à chaque logement. Le volume prismatique de l’ensemble est habillé d’une matière adaptée aussi bien aux parois verticales qu’inclinées, une couverture métallique dont la trame et la teinte accrochent le projet à une image de «faubourg». Le rez-de-chaussée anime la rue par sa présence accueillante et ménage à la salle commune un accès indépendant pour son prêt ou sa location aux riverains et associations du quartier.
La parcelle vendue par la ville de Grenoble au groupe d'habitants était un ancien jeu de boules situé à l'arrière d'un café typique du faubourg des Eaux-Claires. Initialement promis à la construction de logements sociaux, ce terrain en "L" s'est retrouvé presque "inconstructible" (du point de vue des promoteurs pressentis pour la construction de ces logements) du fait de l'évolution récente du PLU qui introduisait de nouvelles règles de prospect. Ces règles conçues pour maintenir une diversité des formes bâties, pour éviter la continuité des constructions en alignement sur la rue et pour préserver l'ambiance bigarrée du faubourg ont constitué pour nous aussi une forte contrainte. Avec le groupe d'habitants, nous avons décidé de la retourner à notre avantage. Nous avons fait de la géométrie imposée par la règle le support de la créativité collective à engager dans le projet.
La relation de travail entre l'équipe de conception et le groupe d'habitants a été une aventure au long cours, animée de nombreuses discussions et d'intenses séances de travail. La méthodologie que nous avons développé et le mode de gouvernance que le groupe d'auto-promoteurs a su mettre en place ont mis chacun à contribution dans la co-conception et à la concrétisation de l'opération. La complicité établie avec le bureau d'études fluides a permis, outre le fait d'installer une chaufferie à granulés de bois, de prolonger l'ambition écologique du groupe jusqu'à la mise en place, dans tous les logements, de façon inédite dans un immeuble collectif urbain, de toilettes sèches à séparation couplées au système de VMC adapté à cette particularité.
Le groupe d'habitants, l'équipe de maîtrise d’œuvre et les entreprises ont fait du chantier un processus prolongeant le travail de co-conception et valorisant l'implication de chacun. Ponctué de moments conviviaux, de visites ouvertes au public ou d'événements, le temps du chantier a été pensé de manière à vivre pleinement l'expérience unique de la construction.
Le système constructif est hybride. Les refends et les planchers séparatifs entre logements sont en béton. Des "bretelles" métalliques imaginées par notre bureau d'étude structures maintiennent l'écartement entre les dalles. Ces poteaux pliés nous ont permis de reporter les descentes de charges dans des nervures que les épais murs-manteaux en ossature bois font disparaître. Ce système constructif nous a permis de nous dispenser de poteaux à l'intérieur d'appartements déjà contraints par leur géométrie. Il a néanmoins nécessité une modélisation sismique poussée et la mise en place d'un Plan d'Assurance Qualité pour que tous les intervenants puissent viser la parfaite mise en œuvre des interfaces complexes.
Depuis mars 2017, date de l’emménagement du groupe, le bâtiment vit sa vie. Les voitures partagées n'occupent que partiellement la cour qu'il leur était réservée. Les factures d'eau reflètent la stratégie d'économie entreprise par les habitants à ce sujet. La salle commune s'anime de plus en plus régulièrement pour développer une petite offre culturelle en soi.
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